Le jour de l'innocence (Absent_minded)
« Non, mais, sérieusement, arrête, on peut pas faire ça !
- Mais si je te dis, c’est rigolo et ça dérangera personne, que les bonnes gens bien importants…
- Arrête je te dis, c’est irrévérencieux… »
Et ils sont si mignons tous les deux, cachés derrière le buisson. Il y en avait des gens sur la place de la statue. Et tout deux, tremblants derrière leur buisson, se demandant si oui ou non, ils allaient commettre l’irréparable.
Pas âgés de plus de dix ans, les deux petites têtes blondes se penchent l’une vers l’autre.
« Allez Lucie, moi j’y vais, j’y crois. Et puis ça va faire rire tout le monde, elle a de tellement grosses fesses !
- Mais je te dis que c’est pas bien… »
Trop tard, il était déjà parti, il s’était déjà exposé aux regards, le papier rose dans sa main. Alors Lucie se dit qu’elle n’a rien à perdre. Elle se jette hors du buisson et court à sa suite, son lourd sac d’école rebondissant sur son dos.
« Aleeeeeexaaaaandre ! »
Il est déjà arrivé à la statue, il escalade le socle, appose le scotch à la hanche de la dame centenaire, puis se jette de là-haut jusqu’au sol, prend la main de sa camarade, et ils s’en vont tous les deux, main dans la main, hors d’haleine et échevelés, quand soudain…
« Hep ! Vous deux ! »
Ils se retournent un instant, le temps de voir un agent de la maréchaussée qui se met à leur poursuite. Ils se regardent, se sourient, se mettent à courir et l’agent les voit disparaître dans la marée humaine qui circule dans le parc en ce premier avril.
L’agent fatigué marche jusqu’à la statue, regarde le poisson, lève les yeux au ciel…
Puis il s’écarte de la statue, le sourire aux lèvres.
Il y a des moments comme ça dans la vie, où il faut savoir s'éclipser avec dignité.