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Au clair de la plume
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17 avril 2009

Justine et le poisson rose (Joëlle)

Oh le beau dos , oh le beau dos nu, le beau dos noir, nue noire, belles fesses, grosses fesses noires. La petite fille sautait dans les cases d'une marelle imaginaire, scandant ses sauts par des mots qui lui venaient tout droit de la tête à la bouche, et tout haut. Elle jouait avec les cases imaginées et les mots, des vrais, que lui inspirait la statue à l'ombre de laquelle elle se tenait . Elle n'était pas pressée Justine, sept ans, tout son temps, elle s'assit sur le banc au soleil, prenant la même posture que sa mère quand elle veut faire comprendre que vous la fatiguez, quand elle sent qu'elle va vous dire des gros mots et vous engueuler férocement. Elle se met en zazen, c'est ainsi qu'elle appelle cette drôle de position, drôle de maman que j'ai, pensa-t-elle, mais si rigolote quand elle vous dit sans rire qu'elle fait le lotus. Y a des jours comme ça, sa mère est féroce; Bon elle a peut être ses raisons pensa Justine; Elle sait bien qu'elle est pénible des fois, à n'en faire qu'à sa tête, à réclamer la lune et à quémander sans cesse des explications. Et pourquoi ceci, et pourquoi cela? Et pourquoi Julien y m'aime pas alors que je l'aime et l'autre gros nul de Bastien m'aime alors que je ne l'aime pas? Etc; Et hier c'était: « Et pourquoi on fait des farces le premier A vril, et pourquoi pas les autres jours? et le petit poisson! C'est pas rigolo, c'est nul ! ». Et puis, vers le soir, il lui était tout de même venu une idée, elle allait lui accrocher un poisson dans le dos, à Julien, pour lui faire voir, pour l'attraper, elle allait le ridiculiser devant tous les copains. Alors elle avait dessiné un joli poisson, avait mis plein de couleurs, mais surtout du rose, sa couleur fétiche, comme elle disait, l'avait mis dans son sac et là, en ce matin de premier Avril, elle allait rendre visite à ses potes, parmi eux, Julien, et il allait voir ce qu'il allait voir, le Julien à faire le malin, à tourner autour de cette idiote de Sophie.

Mais là, voila-t-y pas qu'elle se met à réfléchir, à penser à sa mère; « Allez file avant que je t'en retourne une, laisse moi seule que je médite »lui avait elle encore dit. Et méditer c'est ce que semblait faire Justine, le regard happé par l'immense dame noire. « Le mec qui l'a sculptée, il devait aimer les noires, sinon, elle serait blanche cette statue », se disait-elle et » le modèle ça devait être une africaine , d'ailleurs elle ressemble à Joséphine », Joséphine c'est la voisine sénégalaise, impressionnante, géante, dans ses boubous colorés. A poil, elle devait être pareille. Elle eut envie de lui faire la causette à la statue: « Eh Joséphine, ça te gène pas d'être à poil devant tout le monde? » « Non? Et ben t'as raison, au moins toi, t'es nature ». Elle reprenait une expression couremment employée par Zette, sa tante.Quand elle aime bien quelqu'un elle dit qu'il est « nature ».

Elle eut tout à coup une idée, celle de la décorer, Joséphine, elle se leva, et tourna autour en chantant, en dansant, ne pensant plus ni à Julien, ni à quiconque, seulement à sa petite fête avec la dame noire, Joséphine, la dame nue, jolie dame nue; grosses fesses, grosses fesses nues et , faut aller voir de l'autre côté, beaux nénés. Elle se hissa sur la pointe des pieds et accrocha avec un bout de scotch, en haut des fesses, le poisson destiné à Julien, et elle chanta, « Joséphine elle est jolie, avec son petit poisson »; « Joséphine elle est jolie , avec son petit poisson ». Elle avait réinventé pour l'occasion l'air d'une vieille vieille chanson qui disait «  Rosalie, elle est partie, si tu la vois ramène la moi », mais c'est une autre histoire. Depuis un bon moment, un petit garçon l'observait, qui n'avait qu'une envie, faire sienne la joie de cette petite fille, ma foi bien joliette et marrante, blouson rose, Jean rose, chouchou rose dans ses cheveux bruns. Il entra dans cette ronde et les voilà tous deux à danser autour de Joséphine en chantant : « Joséphine , elle est jolie, avec son petit poisson ». Au bout d'un moment, il fallut bien faire une pause, ils s'interrompirent donc, et commencèrent à échanger leurs prénoms, leurs sourires, leur CV. Et ce jour là, grâce au premier Avril, au poisson, à Joséphine, nacquit une belle histoire d'amour entre une petite fille joyeuse qui s'appelait Justine et un petit garçon, tout mignon, un vrai ange, tout noir, qui s'appelait Séraphin. Leur baiser fut un vrai baiser plein d'amour et d'avenir, un baiser de coup de foudre que leur inspira un poisson de farce. Ils rirent aux éclats quand du haut des reins de la dame noire, le petit poisson frétilla et leur fit un clin d'oeil très, très malicieux. Puis alors que les enfants fêtaient leur rencontre, le petit poisson revint à son immobilité de papier en disant dans un soupir : « Il y a des moments dans la vie, où il faut savoir s'éclipser avec dignité ».

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Commentaires
A
le charme de l'enfance semble être très inspirant pour nos participantes :-) voilà un texte tout en douceur et en gaieté, du plaisir à l'état pur :-)et qui se termine par une belle histoire d'amour ! :-)<br /> Merci Joëlle pour ce (deuxième) très beau texte!!
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